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Banana Yoshimoto

Banana Yoshimoto est probablement la romancière japonaise la plus connue en Occident. Petit tour d'horizon de l'auteur et de son œuvre.

Banana Yoshimoto est née à Tokyo le 24 juillet 1964. Banana n'est, bien sur, pas son vrai nom. Yoshimoto Maiko a en fait choisi ce pseudonyme de Banana parce que… eh bien, elle trouvait tout simplement que le nom sonnait bien.

Issue d'un milieu intellectuel, son père Yoshimoto Takaaki (ou Yoshimoto Ryumei selon les sources) est un critique littéraire, Banana baigne dès son plus jeune âge dans la littérature.

Banana suit naturellement des études d'Arts et de Littérature à l'université Nihon, dont elle sort diplômée à l'âge de 22 ans. Yoshimoto remporte son premier prix littéraire en 1986 avec sa nouvelle Moonlight Shadow (éditée avec Kitchen) qui est récompensée par le Izumi Kyoka Prize, le grand prix des arts de l'université de Nihon. En 1987, Banana écrit la nouvelle qui va la rendre mondialement célèbre, Kitchen. Immédiatement récompensée par le Kaien Magazine New Writer Prize, un prix soutenant les nouveaux écrivains, la jeune romancière se fait rapidement une réputation dans le milieu de la littérature japonaise.

Traitant de la mort, de la solitude, du sens de la vie et de l'amour, Kitchen a aussi, et probablement surtout, un très grand impact auprès d'un public jeune qui se retrouve dans sa nouvelle. Non seulement au Japon, mais aussi en Occident où son livre a été traduit en France, aux Etats Unis, en Allemagne ou encore en Italie. Le succès de Kitchen est tellement énorme au Japon que le livre bénéficie déjà de plus de 60 pressages différents !

Banana Yoshimoto va continuer d'explorer ces thèmes de la perte d'êtres chers, de la souffrance liée à la solitude et, bien sûr de l'amour dans ces œuvres suivantes, N.P., Lizard, Amrita, Tsugumi, Deep Sleep ou encore Honeymoon, démontrant par la même occasion une certaine obsession thématique (ou, selon le pont de vue que l'on adopte, une limite stylistique).

Banana Yoshimoto est une romancière assez symptomatique de la génération Grunge. La dédicace faite à la fin de Lizard au chanteur de Nirvana, Kurt Cobain, qu'elle remercie d'avoir été d'une grande inspiration en est un bon exemple. Tout comme ces jeunes "puants des pieds" (Grunge en français), Yoshimoto et ses héroïnes aiment se retrouver dans des ambiances nostalgiques et cultivent un certain mal de vivre.

Kitchen

Malgré une très mauvaise critique, Kitchen, adaptation de la célèbre nouvelle homonyme de Banana Yoshimoto, est une très grande réussite stylistique et filmographique.

Très froidement accueilli par la critique lors de sa sortie à Hong Kong, Kitchen mérite pourtant d'être classé parmis les plus grands films de la décennie 90.

Probablement déçus par ce nouveau film de Yim Ho, qui ne les avait jusqu'à présent pas habitué à ce genre de spectacle (il avait remporté le prix de Meilleur Réalisateur au Festival de Berlin pour The Sun Has Ears et sa précédente réalisation, The Day the Sun turned Cold, était très sobre), les critiques n'ont véritablement rien laissé passer à l'auteur.

Certes le Kitchen de Yo s'éloigne, beaucoup parfois, de l'histoire originale de Banana Yoshimoto. Mais le fait de ne pas coller mots pour mots au roman dont il s'inspire, n'en fait pas pour autant un mauvais film.

Cette adaptation suit Aggie (Tomita Yasuko), orpheline après la mort de sa grand mère, qui se retrouve hébergée chez Louie (Jordan Chan) un jeune coiffeur excentrique, et sa " mère ", Emma (Law Ka-ying), une hôtesse dans un bar. Aggie réapprend petit à petit à vivre, malgré la douleur et le chagrin et mène un amour quasi-platonique avec Louie. Un soir, Emma se fait assassiner par un client. C'est alors au tour de Louie d'apprendre à continuer à vivre sans un être cher.

La plus grosse modification entre cette deuxième adaptation de Kitchen (la première a été réalisée au Japon en 1989 par Yoshimitsu Morita) et l'œuvre original est le changement de narrateur. Dans le livre tout est raconté du point de vue de Aggie. Yim Ho a quand à lui décidé de donner le premier rôle à Louie, joué avec grande finesse par Jordan Chan (Young and Dangerous). Ce renversement de situation, qui a visiblement beaucoup irrité et désorienté nombre de critiques, amène très subtilement le spectateur à comprendre ce qu'Aggie a ressenti à la mort de sa grand mère. Une forme d'empathie que l'on ne pouvait vivre à la lecture de la nouvelle étant donné qu'elle commençait directement par ce tragique événement.

Après avoir passé près d'une heure avec Louie, le spectateur ne peut que ressentir et comprendre la douleur qu'il endure. Quelque chose qui n'était pas forcément possible dans le roman, ni à la mort de la grand mère, ni à la mort d'Emma, car Aggie n'était pas aussi directement touchée que Louie.

Yim Ho, qui a visiblement mis énormément de cœur à la réalisation du film, sait rendre l'ambiance de mélancolie et de tristesse itinérant à la nouvelle, grâce notamment à la superbe photographie de Poon Hang-sang (dont on avait déjà pu apprécier les talents sur Heroic Trio, Center Stage ou encore Red Dust) et à une direction artistique des plus réussies de James Leung Wah Saang (Hard Boiled, Bullet in the Head, Swordsman…) et de Jason Miu Siu Gei (Love of the Last Empress, Last Hero In China…)

Les acteurs donnent de très bonnes interprétations de leurs personnages. Law Ka-ying est probablement celui qui surprend le plus dans le rôle du " père-mère ". Jordan Chan nous étonne aussi dans un rôle où on ne l'attendait à priori pas. Preuve si besoin en était, de ses qualités d'acteur.
Yoshimitsu Morita, quand à elle, fut vivement critiquée. En partie parce que personne ne comprit le choix du réalisateur pour une actrice japonaise ne parlant pas un mot de Cantonais. Pourtant, même si Morita ne semble effectivement pas Chinoise, le rôle lui va comme un gant, et son propre style, mélange de tristesse et de douceur, convient très bien au personnage d'Aggie.

Kitchen, pour être pleinement apprécié, doit être pris comme une œuvre unique et dissocié de son support de base qu'est le roman de Banana Yoshimoto. Les fans de la romancière seront peut être déçus par cette adaptation, par manque d'ouverture d'esprit probablement, mais Kitchen est, et reste, un film d'une rare beauté

Julien Sévéon
originellement paru dans Tsunami n°2
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