MI-2
MI-2
un film très étrange que le dernier John Woo, qui a déçu nombre
de ses admirateurs. Personnellement moi ce qui m'a intrigué, c'est
que John Woo ait accepté ce scénario A PRIORI sans intérêt, lui
qui après le succès publique et critique de Volte Face avait
sûrement la liberté de faire autre chose qu'une suite au premier
Mission Impossible, même si celui-ci était assez réussi.
Car il ne faut pas oublier qu'avant d'être un film, Mi-2
est un scénario de Robert Towne, vieux briscard hollywoodien, qui
pour plaire au grand John n'a pas oublié de bourrer son scénario
(basique) de références mythologiques propres à l' intéresser et
lui faire accepter l'idée de travailler pour Cruise (Woo lui-même
ayant avoué sa réticence au départ).
Mais ça ne suffit pas. Les films de John sont
depuis longtemps mythologiques et "bigger than life" comme on dit,
tout le monde le sait, alors pourquoi celui-là ? Il fallait forcément
qu'il contienne ce que John recherche désormais, à Hollywood plus
qu'ailleurs évidemment, le PETIT PLUS qui fait que son film, aussi
réussi techniquement soit-il, ne sera pas encore un simple "blockbuster"
sans âme. Méga-star adulé sur toute la planète, dont les films ne
descendent plus en dessous de la barre des 100 millions de dollars
de recettes (sauf Eyes Wide Shut !), Tom Cruise est, quoiqu'on
pense de lui, comme Bruce Willis, une sorte de phénomène qui risquait
à plus ou moins long terme de perdre le contact avec son public,
à force d'incarner des héros surdimensionnés (MI-1, et même
le sympa Jerry Mc Guire, une première tentative d'humanisation
ratée dans le sens où Cruise y était quand même un peu "too much"
: trop beau, trop charismatique, un one-man-show plus réussi que
celui de MI-2).
Donc, refaire de Tom Cruise un être humain, ne reste plus bien sûr
(et surtout) que l'essai transformé de Stanley Kubrick. Pour lui,
Tom Cruise et sa femme sont EVIDEMMENT ce qu'il y a de plus petit,
donc de plus humain en Amérique, les symboles dérisoires de ce qui
constitue l'Amérique W.A.S.P.
Dans le film Cruise et Nicole Kidman sont donc des bourgeois respectables
qui veulent s'encanailler. Elle fantasme un maximum, lui veut arriver
à l'égaler sans pour autant passer à l'acte. D'où la petite leçon
(forcément dérisoire elle aussi, qui a fait penser à certains que
le film n'allait pas très loin) que Kubrick va leur donner, en leur
opposant ceux qui assument leurs pulsions, ces bourgeois mondains
sans scrupules et sans visages. Eux sont des animaux, dans le sens
où leur fric leur permet de satisfaire leurs instincts les plus
primaires, et plus des êtres humains, comme le souligne à la fin
la longue conversation autour du billard, avec le si compréhensif
et pourtant effrayant Sydney Pollack.
Là, dans cette scène, Cruise est très émouvant,
il apparaît tellement petit et vulnérables (donc humain pour le
misanthrope Kubrick, pour qui nous ne sommes pas grand-chose, et
pourtant QUELQUE CHOSE), toutes ses croyances élémentaires remises
en question après sa nuit d'errance (le film serait déjà une merveille
rien que pour ça).
Mais contrairement à la bluette profondément
optimiste et rassurante Jerry Mc Guire, commercialement le
film est un échec (pouvait-il en être autrement ?), malgré l'investissement
personnel du couple star sur le projet (avec une petite préférence
personnelle pour Kidman, magnifique), Kubrick n'ayant semble-t-il
pas son pareil pour dérouter ses compatriotes.
Alors bon, nous en arrivons à ce qui a probablement
décidé Woo à accepter la mission impossible MI-2, et probablement
son seul et véritable enjeu (mais c'est déjà énorme) : ramener Cruise
à des proportions humaines, mais cette fois-ci dans le cadre habituellement
déshumanisé d'un blockbuster. D'oû la première scène sur la montagne,
jugée ridicule et inutile par certains, mais qui est capitale. La
symbolique est évidente : coincé entre ciel et terre, le demi-dieu
Tom Cruise est seul, tellement seul (à la différence du premier
film où il était présenté au milieu de toute son équipe), et invaincu.
Il ne lui reste plus qu'à risquer sa vie POUR RIEN (il est en vacances),
à main nues et sans aucun attirail (ça viendra ensuite, j'y arrive).
La tête dans les nuages. Sa prochaine mission, qui vient du ciel
sous la forme d'un hélicoptère, n'aura d'autre but que de le faire
littéralement REDESCENDRE SUR TERRE, dans le monde des humains.
Pour transcrire cette idée simple et audacieuse
à la fois (dire à Tom Cruise qu'il n'est pas un dieu !), Woo utilise
de nombreuses déclinaisons des idées de verticalité, de chute :
Etre humain concret et vénal, la petite voleuse se retrouve au bord
du vide à l'issue de sa poursuite en voiture avec Cruise. A la fin,
contaminée par le virus, et pour ne pas infester la population,
ses frères humains, elle est prête à faire "ce qu'il faut", comme
dit Cruise, c'est-à-dire se jeter du haut d'une falaise.
Idem pour le méchant. La scène dans l'avion
au début est le symétrique parfait de la scène de la falaise : il
vole dans les airs, puis redescend sur terre. Sauf que lui, véritable
être humain (quoiqu' également animé par des pulsions vénales, une
condition indispensable pour qui prétend à ce statut), il a besoin
du support de la technologie (l'avion bien sûr, le parachute). Double
négatif de Cruise (il a son visage), il est celui que Cruise aspire
à devenir pour regagner sa place parmi nous : sa mission consiste
en effet moins à récupérer un quelconque virus ou antidote qu'à
TOMBER AMOUREUX de Thandie Newton (sûrement l'idée la plus proche
de l'univers du grand sentimental qu'est John Woo (littéralement
: to FALL IN LOVE, encore l'idée de chute, et dans les deux langues
en plus).
On remarque d'ailleurs que c'est précisément pour une (ex) histoire
d'amour que Hopkins l'a choisie : elle a été la maîtresse du méchant
avant le début du film, et il est toujours amoureux d'elle.
Hopkins
justement, parlons-en : on peut s'étonner de ce rôle minimal pour
un acteur de son talent et de sa notoriété. Il n'a certes pas l'importance
de John Voight dans le premier épisode, dont la trahison était le
coup de théâtre le plus spectaculaire du film, mais ce n'est pas
non plus, loin s'en faut, un rôle vide de sens ou inutile, au contraire
: il incarne lui aussi cette verticalité dont je parle. Déjà c'est
le chef de Cruise, donc littéralement il est AU-DESSUS de lui. Mais
ce qui intrigue le plus est la façon étonnante qu'il a d'être non
seulement au courant de tout (après tout, il est le chef d'une agence
d'espionnage), mais surtout d'avoir prévu, avant de lui confier
la mission, que Cruise allait tomber amour de la fille, et qu'elle
également, et que par amour pour Cruise, elle allait accepter de
revenir auprès de son ancien amant, et que Cruise, malgré ses tiraillements
et sa jalousie évidents largement soulignés, allait accepter de
la laisser partir rejoindre son ex, etc, etc, etc...
Bon,
stop, on arrête-là, vous avez compris où je veux en venir, le deuxième
thème capital du film : ceux qui trouvent, à raison, le scénario
"un peu gros", sont largement en dessous de la vérité : il n'est
en effet PAS compréhensible autrement que par le fait que quelqu'un
(ou quelque chose ?), au dessus de Hopkins lui-même (toujours la
verticalité, et l'explication de son rôle très effacé, il n'est
qu'un intermédiaire) gouverne le film et le tient si bien informé
des futures actions et, plus difficile évidemment, des sentiments
des personnages.
Alors appelons ça comme vous voulez, Dieu, ou UN dieu, quelqu'il
soit (choisissez selon vos préférences), mais le fait est là : la
petite phrase de Hopkins, lors de sa deuxième rencontre avec Cruise
(quand il lui demande d'envoyer son nouvel amour dans la gueule
du loup), est on ne peut plus claire (je cite de mémoire) : "Ces
gens sont étranges, ils brûlent les dieux qu'ils ont adoré",
dit-il en évoquant avec un petit sourire, la populace, qui, au dehors,
semble célébrer une fête religieuse. Totalement hors contexte au
moment où il la prononce (c'est pourquoi je l'ai retenue d'ailleurs,
tellement elle m'a intriguée sur le moment), elle prend tout son
sens quelques minutes plus tard, quand on voit Cruise passer devant
le brasier où brûlent les dieux en question, déchiré par ce qu'il
va devoir faire, à savoir accomplir une mission "pas difficile,
mais impossible" : envoyer celle dont il est tombé amoureux
rejoindre son pire ennemi.
Mais
c'est précisément la condition indispensable pour refaire de la
star trop "propre sur elle" Cruise un être humain : être capable
de beaux sentiments, certes (l'amour, l'amitié avec V Rhames, même
si cet aspect est assez mal traité), mais aussi des pires (la jalousie,
la haine...).
Car il est tel le demi-dieu Hercule exilé dans le monde des humains,
dont Zeus décide de lui faire passer quelques épreuves pour lui
faire découvrir sa vraie place. Ne riez pas, la comparaison n'est
pas gratuite, et elle n'est même pas très originale, ça a déjà été
fait (voir plus loin). Mais elle est correcte et justifiée dans
la mesure où, comme dis au début, les références mythologiques abondent
: le nom à consonance grecque du virus, et l'origine de ce nom racontée
par Cruise (avec illustration à l'appui), la citation "pour faire
un héros, il faut lui fabriquer un ennemi", qui fait référence
à l'ennemi/double de Cruise, sa "némésis", sans oublier le plus
subtil, car on ne le comprend qu'en repensant au film après coup,
je veux bien sûr parler de l'hélicoptère qui descend du ciel pour
envoyer à Cruise sa mission au début du film, littéralement la métaphore
du DEUS EX MACHINA, déjà é(in)voquée par Woody Hallen dans la dernière
scène hilarante de Maudite Aphrodite (LE film bourré de références
à la mythologie grecque). Ou alors le type de l'hélico est plus
simplement une image du dieu (grec ou latin ?) Cupidon, qui, avec
son arc et ses flèches fait tomber les mortels amoureux. Parce que
franchement, à l'époque d'Internet, envoyer un hélico chercher un
super espion en vacances, en lui tirant dessus des roquettes à lunettes,
c'est complètement débile... Quoiqu'en France certains ont fait
pareil avec des juges dans l'Himalaya, mais ils étaient sûrement
idiots aussi (pauvre Toubon).
Et puis il y en a encore une référence dont
je ne suis pas certain, mais comment ne pas la mentionner quand
on connaît le goût pour les clichés tenaces des américains dès qu'ils
parlent d'autres cultures : les Français par exemple c'est le béret
et la baguette de pain (racisme hélas banalisé dont Woody Allen,
encore lui, se moque quand il apparaît en parigot au début de Tout
le Monde dit I Love You), le Grec c'est l'idée que la plupart
des habitants de là-bas sont homosexuels !!! Difficile
en effet d'expliquer autrement (quoique, voir plus loin...) les
"scènes de ménage" du couple de vilains (jalousie du comparse quand
Thandie Newton arrive à la villa, scène de castration métaphorique
avec le coupe-cigare...). Totalement inutile et insultant, mais
bon, c'est vrai que c'est assez drôle au dixième degré... Mais John
Woo nous dirait sûrement que ce n'est pas le cas, lui qui a toujours
nié les sous-entendus homos de The Killer, pour cause de...
premier degré justement (les sous-entendus n'existent pas dans le
cinéma cantonnais paraît-il... Et Tsui Hark alors, qui n'arrête
pas ?).
Mais
revenons au film. Le premier tiers s'achève, Cruise doit effectuer
sa mission et fait appel à Ving Rhames pour cela. Comment ne pas
voir en celui-ci (ainsi que son compère, franchement inutile) la
figure de l'ange gardien ? Il se balade en hélico, met en œuvre
avec une facilité déconcertante (même s'il se plaint parfois que
ça ne va pas marcher) toutes les tactique inventées par Cruise.
Car celui-ci ne peut agir seul, il a besoin de comparses et du secours
de la technologie, comme dans le premier film où il recrutait une
nouvelle équipe pour attaquer la base de la CIA à Langley. Mais
ici l'idée intéressante est le lien de Cruise et de la technologie
: quand il envoie finalement ainsi Thandie Newton dans la villa
du vilain, il surveille leurs faits et gestes sur son ordinateur,
grâce probablement à un satellite espion, une scène assez banale
car déjà vue dans d'autres films, mais surtout une métaphore de
l'erreur de Cruise : son point de vue sur l'écran, une vue aérienne
qui l' assimile clairement à un dieu, nous laisse déjà entrevoir
le malaise. Plus tard dans le film, il enlève un type dans sa voiture,
lui fait croire qu'il est condamné à mort (n'est-ce pas l'attribut
de Dieu de disposer de la vie des hommes ?), et la pseudo chambre
d'hôpital dans laquelle il l'enferme, entièrement banche, évoque
bien sûr le paradis.
Et peut-être le plus important, un peu plus
tard sur le champ de course, il a un point de vue omniscient grâce
à sa position dominante, ses jumelles et son écouteur (voir paragraphe
suivant).
Où cela nous mène, me direz-vous ? N'oublions pas que le film raconte
la renaissance au monde du demi-dieu Cruise, qui, tout à sa mission,
même s'il a quelques doutes (la scène, envoie quand même Thandie
Newton au casse-pipe (l'expression vulgaire est volontaire et assumée,
car c'est bien de ça qu'il s'agit, non ?), mais applique son programme
du parfait petit espion à la lettre et continue de se prendre pour
UN PEU PLUS qu'un humain, la technologie qu'il utilise lui donnant
les moyens de ses ambitions.
Puis on arrive sur le champ de course et c'est
dans cette séquence apparemment anodine où le film POUVAIT se terminer
qu'au contraire tout bascule : car comment expliquer l'erreur lamentable
de Thandie qui se trompe en remettant le truc dans la mauvaise poche
du méchant ? Au niveau scénario, c'est nul, car si elle réussit
le film est finit. Son échec relance donc le film de façon un peu
trop artificielle, c'est le moins qu'on puisse dire !!!
En fait cela ne signifie qu'une chose, la plus belle idée du film
peut-être, car c'est typiquement le genre de scène qui arrive dans
la vraie vie, et jamais au CINEMA : elle se trompe car "l'erreur
est humaine", tout simplement. Cruise qui ne s'y trompe pas, lui,
et qui est entre-temps descendu de son piédestal pour se mêler à
la foule, lui demande alors de revenir avec lui. Elle refuse (et
là ça se justifie dans la mesure où sa disparition aurait fait comprendre
à l'autre qu'elle était un espion), car cela rendrait son premier
sacrifice au dieu Cruise (accepter d'aller à la villa), qui l'a
séduite en une nuit, complètement inutile.
La meilleure preuve que cette scène est capitale
est qu'elle est sadiquement répétée un peu plus tard, quand le méchant,
ayant pris l'apparence de Cruise, lui donne rendez-vous à l'extérieur
de sa villa/prison et lui ordonne cette fois de rester alors qu'elle
est cette fois prête à partir. Mais trop tard pour elle pour l'instant,
Cruise doit continuer sa mission, ayant échoué à la récupérer. Mais
on ne se prend pas impunément pour un dieu, et la technologie, métaphore
de cette condition qu'il ne veut pas encore abandonner, ne va pas
tarder à le trahir : après son intrusion dans le labo il perd le
contact avec Ving Rhames au moment crucial, et celui-ci, qui se
balade tranquille dans son hélico pendant tout le film (c'est même
lui qui sauve la fille, une idée audacieuse, c'était peut-être son
ange à elle), manque d'y rester la seule fois où il est au sol,
dans le plastiquage de la camionnette.
Car Cruise a eu beau donner des preuves de bonne foi quelques minutes
plus tôt dans la scène symbolique où il doit couper le câble qui
le relie à son ange gardien (eh oui, il y en a des sous-entendus
dans ce film), il manque encore quelque chose. Comme dans les contes
de fées (La Belle et la Bête ?), que Cruise soit amoureux
ne suffit pas, il faut pour que tout soit parfait que la belle l'aime
en retour, pour de bon, et soit donc prête au sacrifice ultime,
celui de sa vie (c'est un John Woo ne l'oublions pas).
Combien ont vu d'ailleurs à quel point Cruise
est méprisable et grotesque d'arrogance crasse au début du film
(et l'ont trouvé séduisant et super cool) alors qu'il surjoue volontairement
son personnage de demi-dieu tout en frime, justement pour se justifier
et mériter tout ce qui va lui arriver après ? Une des grandes idées
du film, qui apparaît clairement quand on le revoit une deuxième
fois.
La scène du SECOND sacrifice de Thandie (quand
elle s'inocule le virus, toute la séquence dans le labo ne sert
bien sûr qu'à mener à cette scène) prend alors toute sa signification
: elle se sacrifie cette fois par amour pour l'homme, de façon consciente
et délibérée (Cruise serait mort autrement), et non plus au bellâtre
qui l'a séduite au volant de sa voiture, et l'a envoyée se faire
sauter (pardonnez l'expression) en lui montrant un crash d'avion
pour lui donner mauvaise conscience.
D'où le regard authentiquement effaré de Cruise,
qui j'ose le penser à ce moment-là, en plus de réaliser qu'il va
la perdre, réalise son erreur passée, qu'il appartient maintenant
au monde des humains, et symboliquement s'enfuit en plongeant de
nouveau, après avoir plastiqué le mur du labo (il était déjà descendu
mais pas assez).
Et à ceux qui douteraient de cette dernière métaphore (et de toutes
les autres ???), rappelons que le méchant ironise quelques minutes
plus tôt sur le plan d'infiltration de Cruise AU MOINS à trois reprises
"il va passer par en haut, il va passer par en haut... pour éviter
de tuer les gardiens". Encore une chute et l'idée de protéger
l'être humain, comme pour Thandie qui pour le même motif veut s'infliger
la même punition en sautant de la falaise à la fin.
On est alors fin prêt pour la troisième partie,
où un Tom Cruise enfin redescendu sur terre va pouvoir régler "à
la régulière" ses comptes avec tout ce joli monde. Et c'est là que
le film échoue, alors que paradoxalement c'est de loin la partie
la mieux mise en scène du film, Woo étant le meilleur lorsqu'il
s'agit de filmer de l'action. Mais ça on le savait déjà, on n'a
à la rigueur que la confirmation de son talent monstrueux. Le problème
est que sa mise en scène élégante, aérienne, stylisé à l'extrême,
est en complet décalage avec le thème du film : Cruise a beau gravir
péniblement la (petite cette fois) falaise pour accéder au repaire
des méchants, il a beau être vêtu d'un costume kaki garant d'une
certaine crédibilité, ces deux éléments contrastant volontairement
avec la scène d'ouverture sur la falaise (sans parler du temps qui
est nettement moins ensoleillé), on a beau le voir, comme par hasard,
littéralement "sortir de terre" après son ascension (le plan au
ras du sol où l'on entrevoit son œil), c'est à peu près tout ce
qui différencie le nouveau Cruise de l'ancien, comme si tout ce
qui lui est arrivé depuis le début n'avait servi A RIEN : dès le
premier ennemi il s'envole dans les airs (en faisant une cabriole
en plus !), idem dans le souterrain avec un saut particulièrement
téléphoné d'ailleurs (on le voit venir une heure avant), je ne parle
pas des différents combats "arts martialesques" où John Woo n'est
jamais très à l'aise, et le plan, pourtant magnifique intrinsèquement,
mais bien trop mythologique évidemment, où Cruise passe devant la
porte du méchant, etc...
C'est superbe, et il est difficile de ne pas être impressionné,
mais c'est précisément de là que provient cette l'impression de
malaise : ces scènes aurait dues être filmées par un cinéaste tout
aussi percutant mais de façon plus réaliste et brutale : par exemple
le Mc Tiernan de Die Hard 3, ou Ringo Lam dans n'importe
lequel de ses films... On aurait eu un film cohérent et défendable,
alors que là, on se demande jusqu'à quel point on nous prend pour
des idiots. Passe encore pour un Shangaï Kid, on sait
à quoi s'attendre, il est clairement destiné aux enfants, mais là
trop c'est trop... Mais évidemment c'était tentant pour Cruise de
se faire filmer comme Cage et Travolta à la fin de Volte-Face,
avec d'ailleurs le même final sur une plage, précédé d'une poursuite
sur des engins ultra rapide (hors-bord pour VOLTE FACE, moto ici,
très original). Une façon de filmer "bigger than life", comme je
le disais au début, inimitable, mais tout simplement en porte-à-faux
avec le contenu du film. Mais les américains continuent hélas d'engager
les cinéastes de Hong Kong uniquement pour leur talent formel, se
moquant éperdument que ceux-ci ait quelque chose à dire (voir la
liste de films mutants réalisés aux states, c'est éloquent), et
c'est bien triste.
Sur
le plan formel, le film souffre aussi de nombreux défauts : tout
d'abord le budget, on se demande bien où il est, tellement le film
est "cheap" : une montagne au début, la plage à la fin, la cabane
dans le désert, un champ de course, trois villas (une en bord de
mer, d'accord), la chambre d'hôpital, un intérieur d'avion, le laboratoire
puis le repaire des méchants. Le tout tourné en Australie en plus,
réputée pour ses facilités et ses coûts attrayants pour les producteurs,
mais sûrement pas pour les spectateurs qui ont en marre de voir
cette ville sous toutes les coutures. Vous allez voir si ça continue
comme ça ils vont bientôt y organiser les JO...
Quant on pense au décors de La Momie pour un budget largement
inférieur, on se dit qu'il y a de l'arnaque dans l'air. Et même
sans comparer avec ce dernier film, on est en droit d'attendre,
vu le prix que coûte un film pareil, un peu de dépaysement. Même
dans le plus nul des James Bond, on voit du pays. Ici, rien...
Finissons
avec quelques plans isolés tout particulièrement ridicules : Cruise
qui met sa ceinture au début de la poursuite en voiture !!! Comment
faire plus démago et politiquement correct, je ne vois pas. Les
plans rasants par hélico derrière un kangourou (pour ceux qui n'auraient
pas pigé où on est, mais dans ce cas là savent-ils que les kangourous
se trouvent en Australie ?) pendant que retentit le thème de la
série, ici aussi inutile que celui dans WWW. Le thème de la série
d'ailleurs, largement moins réussi que dans MI-1. La chute
de Cruise dans la "cheminée" : c'est bien Cruise qui a pris le risque
louable d'effectuer la cascade. Dans le film, on ne s'en rend absolument
pas compte tellement la chute est découpée en petits morceaux, et
on entrevoit à peine Cruise dans deux plans de quelques millisecondes.
Et n'oublions pas le méchant ridicule, le comparse encore pire si
c'est possible, l'actrice principale mignonne d'accord mais franchement
au "jeu" très limité (Ah, ces petits froncements de sourcils quand
elle est triste ou angoissée, dommage), le copain de Rhames (sans
commentaire), et un Cruise en roue libre, dont on sent bien que
ce coup-ci pas question de se laisser diriger ou de faire autre
chose que son numéro de charme (cirque ?). Ca se justifiait dans
la première partie comme je l'ai dit, mais ça ruine à mon avis le
film à la fin.
Mais bon, après deux ans avec Kubrick on le
comprend un peu. Tant pis pour Woo, il a choisi le mauvais projet,
on ne lui en veut pas.
Stéphane
Pons
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