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Brother, Aniki Mon Frère

Kitano goes West

On a eu un vieux coup de froid lorsque l'on a appris que Kitano réalisait son nouveau film aux States. Allait-il, comme de nombreux autres réalisateurs avant lui, être aspiré et compressé par la machine hollywoodienne et nous servir un produit sans saveur ? Eh bien non ! Non seulement Kitano est resté fidèle à son style et ses centres d'intérêts, mais il accouche en plus d'une de ses plus belles œuvres…

Soyons honnêtes, la plupart des tentatives de réalisateurs d'origine asiatique pour s'imposer ou même plus simplement s'exprimer dans la capitale démoniaque du cinéma américain se sont quasiment toutes achever dans le désastre le plus total. Le fait que Aniki, Mon Frère ne soit pas une pure production américaine (le film est coproduit par Recorded Picture Company et Office Kitano) explique partiellement que le stoïque réalisateur japonais ne se soit pas retrouvé broyé par la machine ricaine. Certes, Aniki n'évite pas certains stéréotypes et attitudes propre au cinéma américain (notamment concernant les personnages Noirs) mais il n' a malgré tout pas grand chose à voir avec ce qui se fait de l'autre coté de l'Atlantique.
Dans Brother, Kitano pousse son obsession fascinée pour les Yakuzas à l'extrême, propulsant les mafieux nippons dans une dimension proche de Rambo et Superman. De nouveau Kitano enfile le costume d'un Yakuza, Aniki Yamamoto, qui, afin de ne pas rejoindre le clan qui a tué son chef, comme l'a d'ailleurs déjà fait l'un des ses frères d'armes, part pour les Etats Unis rejoindre son petit frère, Ken (Claude Maki, le surfeur muet de A Scene at the Sea). Celui-ci est un petit dealer qui traficote pour le compte des Latinos avec ses homeboys. Aniki reconnaît d'ailleurs parmi eux Denny (Omar Epps), qu'il avait balafré le jour même alors qu'il essayait de lui soutirer de l'argent. Rapidement Aniki remonte son organisation sur place, en commençant par supprimer les Chicanos et en s'attaquant petit à petit à toutes les branches mafieuses de la ville, tout en imposant la "discipline" des Yakuzas à ses coéquipiers. Parmi ceux-là Denny devient son plus proche ami, l'un et l'autre se considérant véritablement comme des frères. Mais les désires d'expansions de Aniki se trouvent bientôt calmés par la mafia italienne qui lance une guerre sans pitié contre les nouveaux venus.

Si l'on se posait encore des questions sur les sentiments que Kitano porte pour les Yakuzas, Brother clarifie rapidement le tableau : Kitano frôle le délire masturbatoire sur ses si chers mafieux. Non seulement il les représente comme de véritables chevaliers, ou plus exactement des samouraïs, des temps modernes, mais en plus ils semblent représenter à ses yeux, et jusqu'à une certaine mesure, de très bons exemples à suivre… Leur moral, leur code de l'honneur… bref toutes les étiquettes dont les mafieux aiment se parer pour paraître "justes", sont tellement grossièrement mises en valeurs que l'on hésite entre la consternation totale ou le fou rire. Car l'on sourit et rit beaucoup dans Aniki Mon Frère. Kitano, comme à son habitude, laisse beaucoup de place à l'auto dérision et à l'humour, les fusillades ultra violentes et sanglantes donnent souvent dans le grand guignol et les attitudes silencieuses de Kitano lui même sont toujours aussi jubilatoires. Alors d'accord, l'image glorieuse que Kitano donne aux Yaks peut agacer, mais elle est néanmoins tempérée par le caractère excessive (un comble : tempérer par des excès !) des situations et par la fin brutale qui attend tous ceux qui ont choisi la voie du crime.

Car Brother, et c'est bien là que Kitano rejoint Mishima, est aussi un hymne à la mort. Tout comme le célèbre écrivain, Kitano partage en plus de sa fascination pour la mafia japonaise une autre véritable obsession et fascination pour la mort, peut être accentuée par son accident de moto qui faillit lui coûter la vie (et le laissa d'ailleurs sacrément amoché). Tout comme Mishima qui mourut en s'ouvrant le ventre, tel les Samouraïs qu'il admirait tant, Kitano rêve d'une fin brutale, marquante et héroïque : une mort par les armes. Malgré l'humour volontaire de nombreuses scènes, Brother est au fond un film très noir et désespéré. Plus le film avance plus la violence excessive (mais tellement jouissive !) du réalisateur prend un caractère nihiliste et suicidaire.
De là à ce que Kitano finisse par se faire seppuku…

Julien Sévéon

 



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