Disciple de Shaolin, Les

Hong Kong, 1975

Titre original : Disciples of Shaolin
Réalisateur : Chang Cheh
A vec : Fu Sheng, Chi Kuan-Chun
Editeur Vidéo : Fil A Film

Le dernier opus de la collaboration légendaire entre Chang Cheh et Liu Chia-Liang, qui en a eu un peu marre de chorégraphier les débordements sanguinaires de l'ogre de Hong Kong, et passera à la mise en scène la même année.
Le film n'est pas exempt de défauts, en particulier quelques combats inutiles et assez ringards dans des champs, probablement tournés par le réalisateur de seconde équipe (Pao Hueh-Li ?). Mais à part cette réserve, je dois reconnaître que c'est un très beau film, qui contraste avec d'autres kung fu de la même période par sa qualité d'écriture. Le personnage du naïf paysan (Fu Sheng) qui découvre la grande ville et ses tentations, fait fortune grâce à ses talents d'artistes martiaux puis meurt de façon ignoble (ce n'est pas un secret, on sait dès le début que ça finira mal) est une des plus cèlèbres histoires du cinéma de Hong Kong.
La sensibilité dont fait preuve Chang Cheh dans la description de ce personnage (pour pouvoir mieux le détruire ensuite) frappe encore aujourd'hui, prouvant que Chang Cheh était quelqu'un d' infiniment plus subtil qu'on pouvait le croire.De plus formellement le film est très impressionant, les combats à mains nues de Liu Chia-Liang, hormis ceux que j'ai mentionné plus haut, sont absolument magnifiques, Chang se montrant particulièrement inspiré pour les filmer. Il est d'ailleurs intéressant de constater les différences de filmage avec les films de Liu Chia-Liang. Chez Chang la mise en scène est très brutale, souvent constituée de longs plans caméra à l'épaule, qui semblent toujours avoir un petit temps de retard sur les personnages et sur les coups donnés, d'où l'impression de violence et de réalisme qui s'en dégage. Chez Liu au contraire, les plans au cordeau et les amples travellings latéreaux prennent bien soin de détailler chaque geste, chaque mouvement. On ressent certes moins l'effet des coups, les films de Chang sont bien plus viscéraux (au sens littéral du terme), mais en contrepartie on admire l'élégance et la facilité (la classe, quoi) avec lesquelles Liu arrive à nous rendre accessible ces enchaînements complexes. On en a d'ailleurs une démonstration parfaite dans le générique des Disciples dans lequel Fu Sheng effectue une série de mouvements. Trois ans plus tard Liu reprendra ces mêmes mouvements au début de La 36ème Chambre avec Liu Chia-Hui. On comprend qu'il ait eu envie de partir après ce film, tant l'énergie qui se dégage de ces deux séquences, pourtant semblables au niveau chorégraphique, est différente : la force brutale contre la grâce et l'élégance, les deux faces d'une même pièce. Et pour finir avec ce film magnifique, qui en a fait un remake assez récemment, en réengageant de façon très maligne Liu Chia-Liang pour les chorégraphies ? Johnny To bien sûr, toujours dans les bons coups décidément, avec The Barefoot Kid, un bon new-wave kung-fu film, avec Aaron Kwok qui reprend de façon superbe le personnage de Fu Cheng.

Stéphane Pons