Mante Religieuse, La

Hong Kong, 1978

Titre original : Shaolin Mantis
Réalisateur : Liu Chia-Liang
A vec : David Chiang, Lily Li, Lau Kar-Wing
Editeur Vidéo : Fil A Film

Une des oeuvres les plus étranges de Liu Chia-Liang, le héros étant en fait le méchant de l'histoire ! David Chiang est un lettré qui sort de l'université (rassurez-vous, comme on l'apprend bien vite, il y a aussi étudié les arts martiaux) et se trouve recruté par l'empereur des Mandchous pour infiltrer une famille de traîtres (donc logiquement les vrais héros du film pour Liu Chia-Liang).
Pris au jeu (il tombe amoureux et épouse la fille unique de la famille), il va devoir affronter ses beaux-parents le jour où il décide de quitter leur demeure pour aller faire son rapport sur leurs activités (et sauver ainsi sa vraie famille menacée de mort). On le voit, c'est un film tragique car quoi qu'il fasse, David Chiang est piégé, condamné à trahir de toutes façons une de ses deux familles. Le film est divisé en deux parties bien distinctes : la première détaille la mission "pédagogique" du héros, un thème habituel chez Liu Chia-Liang, la transmission du savoir (il s'est fait engager comme précepteur de sa future femme pour pouvoir mieux espionner), et la seconde, attention les yeux !
On ne peut comparer la scène finale de ce film qu'à celle de Le Dieu De La Guerre de Wang Yu : remplacez les sabres par le kung fu et c'est parti pour quarante minutes d'action non-stop ! Pour pouvoir partir, David Chiang et son épouse affrontent en effet tous les oncles, tantes, père et mère de la jeune fille, chacun étant spécialisé dans le maniement d'une arme (c'est plus drôle pour varier les plaisirs). Mais ils perdent, alors David s'échappe, repart s'entraîner puis revient les affronter tous à nouveau un par un, et dans le même ordre s'il vous plaît, avec sa nouvelle technique de la mante religieuse cette fois (ça change tout et ils vont le sentir passer !). Et n'oublions pas de mentionner la scène d'entraînement dans laquelle David réapprend littéralement à se battre en observant les mouvements d'une mante religieuse, sûrement une des plus belles scènes de ce genre jamais filmées, avec celle (plus récente) de Tai Chi Master de Yuen Woo-Ping, le point commun étant l'utilisation de la nature comme source d'inspiration. Car comme le dit le héros au méchant à la fin pour expliquer l'origine de sa nouvelle technique de combat : "il suffit d'observer la nature".
Drunken Master 2 lui-même fait pâle figure en comparaison du délire martial de Shaolin Mantis, ce qui ne manquera pas de surprendre ceux qui pensent que les OUATIC sont de vrais films de kung-fu (mais ils ont d'autres qualités). Liu Chia-Liang était à cette époque (pas si lointaine) au sommet de son art et de son inspiration (disons entre 78 et 84), vous comprendrez donc que cette partie propulse le film au rang des plus grands chefs-d'oeuvres martiaux de l'histoire du cinéma, les dix dernières minutes mettant la barre encore plus haut en atteignant un niveau proprement extraordinaire dans le combat à mains nues entre Chiang et Lau Kar-Wing (frère de Liu et réalisateur de Odd Couple et Skinny Tiger, Fatty Dragon) : une suite de plans-séquences impossibles (combien de mouvements enchaînés à 200 à l'heure ?) qui laissent le spectateur sur le carreau. Même après un nombre incalculable de visionnages on ne peut que rester toujours ébahi devant un tel spectacle.

En résumé, si vous pensez que Jackie Chan, Sammo Hung et Yuen Woo-Ping sont les meilleurs chorégraphes/combattants, vous changerez d'avis quand vous verrez ce film et les quelques autres de Liu Chia-Liang chroniqués ici : sa réputation n'est pas usurpée et il est, en toute objectivité, le meilleur sur ce plan, simplement ses films ne sont pas encore assez diffusés aujourd'hui pour qu'il reprenne sa place de "pape" (comme disent nos amis anglais) des arts martiaux au cinéma.

Stéphane Pons