Main de Fer, La

Hong Kong, 1972

Titre original : King Boxer
Réalisateur : Cheng Chang-Ho
Avec : Lo Lieh
Editeur Vidéo : Rene Chateau Video

Le premier énorme succès en France pour un film de kung-fu, c'est bien sûr le mythique Main de Fer de l'obscur réalisateur (taïwanais !) Cheng Chang Ho. Et force est de reconnaître que non seulement c'était tout à fait mérité pour l'époque au regard de certains autres succès en France mais aujourd'hui encore il se regarde avec autant de plaisir tant il est bien construit, joué et filmé de façon impeccable. C'était le premier rôle de "gentil" de Lo Lieh, qui par la suite sera le méchant de service dans nombre de films (Dirty Ho, Mad Monkey Kung Fu, La 36ème Chambre de Shaolin...). Pour ceux qui ne connaissent pas cet excellent acteur et artiste martial un peu oublié, rejetez un coup d'oeil par exemple à l'un des films les plus mémorables de la nouvelle vague : L'Enfer des Armes de Tsui Hark. C'est lui qui interprète le détective minable, frère de l'héroïne. J'ai toujours pensé que Tsui Hark, qui savait forcément qui il était quelques années auparavant, avait pris un malin plaisir à en faire un looser lamentable affublé de cette chemise hawaïenne jaune hideuse. Lo Lieh était sans doute pour lui un des symboles désormais has-been de la splendeur de l'époque de la Shaw, et son rôle dans ce film est sans aucun doute un pied-de-nez à tout un pan de cinéma alors mort et enterré (voyez comme il se fait méchamment tabasser sans réagir dans le cimetière à la fin) 1. Pour revenir à La Main de Fer, les affrontements sont très spectaculaires et nombreux, jamais gratuits (c'est à signaler) et, cerise sur le gâteau, la photographie est tout aussi superbe.
Quelques chorégraphies (signées par un des frères de Liu Chia-Liang, il est décidément partout) ont néanmoins un peu vieilli, mais sont compensées par quelques figures visuelles intéressantes et inédites (les différents vols planés et chûtes des combattants sur le sol, toujours superbement cadrés).
Donc pour résumer, un grand classique qui mérite sa réputation et qu'on revoit toujours avec autant de plaisir. Bon, je pourrais m'arrêter là, mais je voudrais mentionner une scène du film qui me plaît particulièrement : nous sommes presque à la fin, Lo Lieh est en train de remporter le tournoi, quand brusquement le réalisateur nous transporte dans les rues de la ville. Nous assistons alors à la rencontre fortuite entre deux personnages secondaires : elle est la petite amie déçue du héros (qui vient de retrouver son amour d'enfance), lui était son rival au sein de l'école (il a tourné mal suite à son éviction, s'est mis au service des méchants qui pour tout salaire lui ont arraché les yeux). Bref, ces deux-là qui se connaissent vaguement (ils se sont rencontrés une fois auparavant) vont prendre un thé et commencent à discuter... On les oublie presque puis quelques minutes plus tard ils réapparaissent de façon plus que surprenante : le méchant vient de rentrer chez lui, et, à la recherche d'une lampe pour s'éclairer, il se fait attaquer dans le noir par le type en question, qui, aveugle, est guidé à la voix par la fille. Mais ils vont échouer dans leur tentative et se faire tuer tous les deux, quelques secondes avant l'arrivée du héros venu venger la mort de son maître... Ce qui est intéressant c'est que cette séquence ne sert à rien, sinon à présenter deux êtres humains ordinaires, chose assez rare dans le cinéma d'action de deux Hong Kong. Ils n'ont rien d'exceptionnel, ce ne sont pas de mauvaises personnes non plus, ils meurent victimes des circonstances : elle ne sera jamais l'épouse du héros, lui par faiblesse s'est laissé une fois tenter par le mauvais côté, et en essayant de se rattraper ils meurent bêtement tous les deux. Donc pour une fois un grand bravo au scénariste pour cette scène aussi magnifique qu'inutile !

Stéphane Pons

1 - N'oublions pas que Lo Lieh, depuis déjà plusieurs années, n'étaient alors plus qu'un second couteau du cinéma de Hong Kong..NDR.